Rollot et ses hameaux
- Antoine Galland -
Chapitre 7
Maxime de Sars

 

Antoine Galland naquit à Rollot vers 1646, la carence des registres paroissiaux ne permet pas d’être plus précis. Il appartenait à une des plus notables familles de ce village : on trouve un Éloi Galland fermier des religieux de Saint Corneille en 1643 et lieutenant de la seigneurie vers 1661. Ses premières années ne sont connues que par l’éloge composé par son successeur à l’académie, le numismate Gros de Boze, et toutes les biographies se sont contentées de le copier.

L’enfant n’avait que 4 ans, quand son père mourut et la mère, demeurée seule avec une nombreuse famille, ne pu s’occuper de son instruction. Des personnes charitables le placèrent à leurs frais au collège de Noyon où il apprit, à 10 ans, le latin, le grec, et l’hébreu, mais il lui fallut quitter à regret ses livres à la mort de ses protecteurs et entrer en apprentissage. Au bout d’un an, n’y tenant plus, il s’enfuit furtivement à pied jusqu’à Paris et une de ses parentes placée comme servante, aidée par un ecclésiastique qu’il avait connu à Noyon parvint à le faire présenter au sous principal du collège du Plessis qui lui permit de continuer ses études. Plus tard il suivit les cours du collège de France, se perfectionna en grec, aborda les langues musulmanes et entreprit même le catalogue des manuscrits orientaux de la Sorbonne.

Pour vivre et se livrer à ces travaux il avait accepté de faire l’éducation du jeune duc de la Meilleraye. Le marquis de Nointel, qui possédait un château aux environs de Clermont en Beauvaisis, lui proposa, quand il fut nommé ambassadeur à Constantinople en 1670, de l’accompagner en qualité de bibliothécaire et de secrétaire particulier. Galland a laissé un intéressant journal d’une partie de ce séjour, où les personnages qu’il fréquentait ont reçu des noms d’emprunt ; le manuscrit, conservé à la bibliothèque nationale, a été publié, il y a une cinquantaine d’années (2). Sans négliger ses occupations sérieuses, le jeune secrétaire ne dédaignait pas de jouer la comédie : il assuma même le rôle d’Elvire, confidente de Chimère, dans la tragédie du Cid, sous un invraisemblable costume turc, dont il donne une description minutieuse. Il se déridait ainsi de la recherche austère qu’il avait assumée des actes authentiques du dogme et de la doctrine de l’église grecque dont disputaient Antoine Arnauld et le ministre protestant Claude, ces investigations l’obligèrent même à apprendre le grec vulgaire. En Syrie et à Jérusalem, il releva des inscriptions, acheta des manuscrits ou des médailles, copia des documents qu’il ne pouvait emporter.

Il regagna la France en 1675, retourna en Orient et entreprit en 1679, un troisième voyage de dix-huit mois, aux frais de la compagnie des Indes Orientales qui lui donnait mission d’acquérir des livres et des objets d’art.

Au moment de quitter Smyrne, il manqua de périr dans un tremblement de terre qui détruisit la maison où il se trouvait. Nommé à son retour antiquaire du roi, il se vit chargé par Colbert et Louvois de poursuivre officiellement ses recherches sur les antiquités orientales Ses expéditions l’avaient mis à même de connaître à fond l’arabe, le turc et le persan, les mœurs et la littératures de ces peuples encore mal connus. La bibliothèque royale fut heureuse de s’attacher un aussi précieux collaborateur et il ne quitte plus Paris sauf un stage assez court qu’il fit auprès de l’intendant de Caen. Il devint membre associé de l’académie des inscriptions et médailles en 1701, lecteur et professeur royal en langue arabesque au Collège de France en 1709.

Galland ne vivait que pour l’étude. Pas une minute, sans doute, l’idée lui vint de fonder un foyer. Il mourut à soixante-huit ans, le 17 février 1715, dans son logement de la rue des sept Voyes appelée aujourd’hui Valette, et son corps fut inhumé dès le lendemain au bas de l’église toute voisine de Saint Etienne du Mont. Il laissait de nombreux travaux imprimés ou manuscrits, entre autres un Traité de l’origine du café, traduit de l’arabe, Relation de la mort du Sultan Osman et du couronnement du Sultan Mustapha traduite du turc, Recueil de maximes et de bons mots tirés des ouvrages orientaux, paru en 1694, Contes et Fables de Pidpai et Lokman, publiés en 1724, et une foule de dissertations sur divers points d’archéologie. C’est lui qui a fait paraître en 1697 la massive Bibliothèque orientale ou dictionnaire universel, contenant tout ce qui concerne les peuples d’Orient, de Barthélemy d’Herbelot, dont il a composé la préface. Mais son œuvre la plus populaire demeure la première version française des Contes des mille et une nuits, qui forme douze volumes in - 12, édités de 1704 à 1717 ; on en a donné plusieurs rééditions, notamment en 1806, en 1822, en 1823. Des critiques lui ont reproché son style peu correct, mais les récits du conteur arabe conservaient sous sa plume leur charme naturel et leur simplicité, ce qui n’est pas un mince éloge pour une traduction. La version de Galland n’a été détrônée au bout de deux siècles, que par le travail plus scientifique du docteur Mardrus.

Le buste de Rollot s’est fait un devoir d’élever au plus célèbre de ses enfants, offre malheureusement un type de fantaisie. Il existe bien un portrait d’Antoine Galland, gravé au début du dix-neuvième siècle par Morel, d’après Rigaud, mais on ne sait s’il est authentique.

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Dans le testament qu’il a laissé, le vieil orientaliste déclare que, ne connaissant pas de parents, il créait trois légataires, la Bibliothèque, l’Académie et le Roi, qui devaient se partager toute sa fortune, soit ses écrits et ses collections. Il est donc impossible de voir dans Julien Galland son neveu ou même un parent proche. Ce compatriote du savant fut aussi un homme distingué. Drogman, c’est-à-dire interprète du consul de France à Saîde, l’ancienne Sidon, en 1738, il a donné un Recueil des rites et cérémonies du pèlerinage de la Mecque, auquel on a joint divers écrits relatifs aux sciences et aux mœurs des Turcs, publié à Paris, et un Récit de la prise de Constantinople, traduit du grec et demeuré manuscrit. (3)

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