Rollot et ses hameaux
- La Villette et Beauvoir -
Chapitre 3
Maxime de Sars

 

Une villa chez les Romains, était une maison de campagne par extension un domaine rural, où se voyaient l’habitation du maître, plus ou moins somptueuse suivant ses moyens, des terres que cultivaient ses esclaves et Maures en plus grand nombre qu’ils avaient distribuées à des tenanciers, ceux-ci occupaient des maisons placées sur leur parcelle ou groupées en hameau; on y trouvait en outre des boutiques d’artisans travaillant le fer, le bois, la laine ou le lin, et un temple, plus tard une église. C’est l’origine du domaine seigneurial et de la plupart de nos villages. La Villette (Villula) était un petit domaine.

Les moines de Saint Corneille n’étaient pas les seuls seigneurs de la Villette-lès-Rollot. Ils en partageaient les droits avec les laïques, héritiers sans doute des anciens avoués. On voit qu’en 1518, la justice était rendue à Mesvillers, aujourd’hui Piennes, et à la Villette par Jean Cocquin le jeune « demi maire » nommé par les religieux et commis pour l’autre moitié par le seigneur séculier, qui portait par héritage féodal le titre de maire.

La seconde partie de la seigneurerie eut les mêmes maîtres pendant quatre siècles, que Beauvoir-lès-Villette, petit hameau de 8 feux en 1469, disparu par la suite.

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Le premier document que l’on trouve sur Beauvoir est un contrat notarié passé à Paris le 23 avril 1483, par lequel Robert de Brouilly (Broly), écuyer demeurant à Paris cousin et héritier de feu damoiselle Jeanne Truquette, fille de feu Marcelet Truquet et Laurence de Hangest, fille elle-même de feu Collart de Hangest, écuyer, demeurant à Mesvillers les Montdidier, ladite Jeanne Truquette veuve de Louis de Hesdigneul, dit Rivière, demeurant à Bauvoir-les-Rollot, vend à Antoine de Brouilly, son frère, écuyer, demeurant aussi à Mesvillers, pour le prix de 50 écus d’or « du coing du roy », le fief de Bauvoir, mouvant d’Antoine de Crèvecoeur à cause de sa terre et seigneurerie du Tronquoy et consistant en « hostel » terres, bois, prés, champarts, vignes (1).

Si l’on en croit les anciennes généalogies de cette famille, ce fief était, au début du XVe siècle, la propriété d’un écuyer nommé Jean Fourmentin, qui se trouve être l’ancêtre du duc de Villequier vivant en 1790. Son écu se blasonnait d’argent à deux fasces de gueules. Il épousa Perrine d’Hangest, fille de Colart et de Marie Lignière. Leur fille unique, dame héritière de Doffoy, Bauvoir les Rollot, de la Mairie, du Caurroy, du Lendi, de la Cave, etc., épousa en 1522, par l’entremise de Jean Bâtard de Bourgogne, Nicolas de Brouilly, écuyer, seigneur de Brouilly en Artois, près d’Avesnes le comte, fils aîné d’Antoine, tué à la bataille d’Azincourt en 1415, et de Jeanne de Ghistelles.

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Jean de Brouilly

De ce mariage était né Robert de Robinet, écuyer, marié à Jeanne d’Athies, dame de Horain, (dont il eut une fille, Marguerite, femme de Morel de Saveuse) et Antoine, qui acquit en plus de Bauvoir les terres de Mesvillers et de la Villette de Robert de Longueval. Il suivit avec ardeur le parti bourguignon, à l’exemple de ses ancêtres, et vivait encore en 1501. Veuf de Marie de Caix, qu’il avait épousée vers 1460, il s’était remarié, le 26 mars, à Isabelle d’Aumale, fille de Jean, seigneur d’Epagny, et de Jeanne de Soissons, Moreuil, Vicomtesse du Mont Notre Dame.

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De son mariage avec Marie de Caix, Antoine de Brouilly eut six enfants, Jean, écuyer, seigneur de Mesvillers, Ansauvillers, Deffoy, Beauvoir, Haussoye, Hourges, et Roye-sur-Matz en partie, maître d’hôtel ordinaire du roi, François, Chanoine de Noyon et doyen de l’église de Saint-Quentin en 1523, Nicolas, abbé de Sainte-Croix, Charles, seigneur d’Etelfay, vivant en 1567, Marguerite Marie qui épousa en 1497, Bon de Hangest, seigneur de Mesnil-Saint-Georges, Domfront et Mardilly en Brie, mort en 1546, et Marie (alias Anne) abbesse de Fervaques en 1507. Isabelle d’Aumale lui donna deux fils et deux filles, Robert, chevalier, seigneur de Chevrières par acquisition de 1529, dit le Chevalier Robinet, gouverneur et capitaine de la ville et château d’Étaples, marié à Jeanne Lefebre de Péronne, mort le 29 décembre 1553 et inhumé dans l’église de Chevrières, près de Compiègne, ou se voit sa pierre tombale, auteur de la branche de Silly qui s’est continuée jusqu’au 18 siècle, Raymonet, seigneur de la Chapelle en 1545, Jeanne, femme de Jean de Bethancourt, seigneur de Broyes, Hélène, épouse d’Adrien de Caen, seigneur de Saint Ouen, et de Charles de Béthisy, seigneur de Fretoy. Jean de Brouilly (Brolly) reçut de son père, « en avancement d’hoirie » la seigneurerie de Beauvoir, dont il fut ensaisiné par le bailli de Jean, seigneur de Crèvecœur, au Tronquoy le 2 avril 1502. Il agrandit son domaine par l’acquisition de quelques terres en 1518, 1523, 1524 et 1528 (2). Il se maria le 2 janvier 1501, à Antoinette de Pas, fille d’Antoine, seigneur de Feuquières et de Jeanne de Châtillon.

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Antoine de Brouilly

Leurs cinq enfants furent Jean, tué à la bataille de Pavie en 1525, à peine âgé de 23 ans, Antoine, qui suit, Madelon chevalier de Saint Jean de Jérusalem, tué au siège de Malte en 1565. Françoise, femme de Charles d’Herbouville, seigneur de Thionville et du Fresnay, et Madeleine abbesse de Sainte Madeleine de Bival en 1564.

A l’exemple de son père, Antoine de Brouilly, écuyer, seigneur de Mesvillers, fit quelques acquisitions sur le terroir de la Villette en 1550 et en 1560. Une pétition adressée au Roi par les habitants de Montdidier de n’admettre chez eux aucune garnison huguenote entraîna sa démission de gouverneur le 15 octobre 1568, en raison de ses sympathies pour la religion « prétendue réformée ». Il épousa en premières noces Esther Motier de la Fayette dame de Verville et de la Malmaison, l’une des dames d’honneur de la reine, fille de Claude, baron de Saint Romain, de Maffliers, etc., gentilhomme de la chambre du roi, et de Marie de Suse, sa première femme. il se remaria à Charlotte d’Aumale, probablement fille d’Antoine d’Aumale, seigneur d’Haucourt, Marcelcave, etc., et de Charlotte Gaillard.

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François de Brouilly

Du premier lit naquit entre autres enfants, un fils. Charlotte d’Aumale fut mère de Madeleine, femme de Claude Savary, seigneur de Lancoste.
François de Brouilly, seigneur de Mesvillers, fut tué à la bataille de Senlis, le 17 mai 1589. On a vu qu’il avait épousé une des filles du duc d’Halluin, le 22 avril 1577.

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Charles de Brouilly

Charles de Brouilly, marquis de Piennes, seigneur de Mesvillers, du Mesnil-Saint-Georges et de Saint-Martin, leur fils aîné, n’avait qu’un frère, Nicolas, qui fut tué dans l’île de Ré en 1622 au cours de la guerre contre les protestants. Il occupait la charge de gouverneur du Catelet en 1615. Sa femme, Renée de Rochefort, était la fille d’Anne, seigneur de la Croisette, et de Charlotte de Sautour.

Au cours de l’invasion de la Picardie en 1636, les Espagnols avaient investi Montdidier « mettant tout de qu’ils rencontraient devant eux, à feu et à sang ». Piccolomini s’emparait des châteaux de Mesvillers (Piennes), de Mortemer, d’Halluin (Maignelay), etc. et y plaçait des garnisons.

Le vieux seigneur loua en 1647 à Claude Charpentier, laboureur, pour neuf ans, sa terre et seigneurerie de Beauvoir, consistant en maison et bâtiments d’exploitation, 140 mines et demie de terre et pré (54 hectares) en trente et une pièces, cens en argent, grains et volailles et un champart ; le fermier s’engagea à lui livrer chaque année dans ses greniers vingt et un mids de grains, soit 14 de blé et 7 d’avoine, avec deux porcs gras, estimés 40 livres, 18 livres tournois en espèces et huit douzaines de fromages. Il était excepté du bail 9 journaux 75 verges de bois qui complétaient le domaine.

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Il avait perdu l’aîné de ses deux fils. Sa fille Anne était la femme de Guillaume Pot, seigneur de Rhodes, et une autre, Isabeau, celle de Jacques d’Angennes, baron de Poigny. Après s’être distingué à l’île de Ré et en Italie, Louis de Brouilly périt misérablement au siège d’Arras, le 10 août 1640, assassiné par des soldats qui l’avaient fait prisonnier dans une attaque contre nos lignes et se disputaient sa rançon. Il avait épousé, en janvier 1632, Gilonne Marie Julie d’Harcourt, sans le consentement de ses parents dont elle était la fille unique, Jacques d’Harcourt, marquis de Beuvrons, gouverneur de Falaise, et Léonore Chabot « Avec des yeux charmants, un teint sans artifices », comme la dépeignait une chanson, mais extravagante, emportée, naïve, dépensière, connue parmi les précieuses sous le nom de Félicie, dame d’honneur et intime amie de la grande Mademoiselle, pour qui elle était la princesse Gillette, la jeune veuve passa sa vie dans ce que Saint Simon appelle « le plus frivole du grand monde » ; elle se remaria en 1644 à Charles Léon de Fresque, comte de Lavagne, baron de Bressuire, et mourut le 16 octobre 1699, âgée de quatre vingt ans. La fille que lui avait laissée le marquis de Piennes, Marie de Brouilly, baptisée le 19 septembre 1637 et mariée à Henri de Regnier, marquis de Guerchy, capitaine de cavalerie au régiment d’infanterie du Roi, lui avait été enlevée en 1672.

Le fils cadet, Antoine de Brouilly, marquis de Piennes, s’intitulait en 1664 comte et seigneur de Montdidier, Mesvillers, Aussainvillers, Deffoy, Houssoy, Beauvoir, la Villette, Perraine, Grand et petit Harissart, le Mesnil-Saint-Georges, Lannoy, Ramecourt et autres lieux. Sans doute avant la mort de son aîné, il avait fait pour son admission dans l’ordre de Malte des preuves de noblesse qui ont été imprimées. À la suite de plusieurs campagnes faites en qualité de capitaine de chevaux-légers, il fut nommé en 1644 mestre de camp-lieutenant de cavalerie Français du cardinal Mazarin et le conduisit sur le Rhin. Maréchal de camp le 8 mai 1646, il participa à la prise de Longwy, on le voit commander, l’année suivante, un corps de cavalerie d’observation aux frontières de la Picardie et de la Champagne. Il leva en 1648 le régiment d’infanterie de Piennes pour tenir garnison à Ardres, dont il devenait gouverneur, mais il le céda en 1651 au marquis de Rouville, quand il fut promu lieutenant général (8 février) et gouverneur de Pignerol. Il reçut alors le titre de mestre de camp en chef de son ancien régiment de cavalerie sur la démission du cardinal, et servit en Italie depuis 1654 jusqu’à la paix. Louis XIV l’appela à siéger dans ses conseils, lui remit le collier du Saint Esprit (31 décembre 1661) et érigea en marquisat la terre de Mesvillers, qui dut prendre le nom flamand de Piennes, y joignit les fiefs de la Villette et de Beauvoir, les lettres patentes du mois d’août 1668, qui paraissent avoir régularisé un titre de courtoisie, furent enregistrées en la chambre des comptes le 17 décembre suivant et au parlement le 16 août 1669. Un bailli général rendit dès lors la justice dans toute l’étendue du nouveau marquisat assisté d’un greffier général.

Le marquis de Piennes mourut à Paris le ler novembre 1676 dans sa maison de la rue des Tournelles, âgé de 65 ans. Il avait signé, le 14 février 1661, son contrat de mariage avec Françoise Godet des Marais « une des dames excentriques de ce temps-là, rapporte Boislisle, très belle et fort grande, mondaine, précieuse, joueuse, galante,  »aimée de Colbert, veuve d’un de ses cousins, Jean Gravé, sieur de Launay, fermier général des aides, trésorier des états de Bretagne, président à la chambre des comptes de Rennes, et fille de Claude Godet des Marais officier d’infanterie, capitaine de la côte de Fouques, explorateur au Canada et de Jeanne Gravé, elle décéda au mois d’avril 1678.

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Ils laissaient en mourant deux filles, Olympe, marquise de Villequier, et Marie Rosalie, dame d’atours de Madame en 1689 décédée en 1735, qui épousa par amour, le 26 mars 1685, Alexis Henry, marquis de Chatillon, premier Gentilhomme de la chambre de Monsieur, et son favori, chevalier des ordres du roi en 1688, maréchal de camp, « le plus beau couple de la cour, et le mieux fait et du plus grand air », au dire de Saint Simon (3).

Olympe de Brouilly de Piennes, qui était fort belle, se maria aussi suivant son coeur, le 17 décembre 1690, à l’un des plus grand seigneur de la cour : Louis Marie d’Aumont, marquis de Villequier dont le premier ancêtre connu, Jean, sire d’Aumont, près de Méru, était un des compagnons de Saint Louis à la croisade. « M. d’Aumont avait été, rapporte le grand mémorialiste, des années sans y vouloir consentir. Enfin, Mme de Maintenon s’en mêla, parce que la mère de cette belle était parente et de même nom que l’évoque de Chartres, directeur de Saint-Cyr et de Mme de Maintenon, laquelle enfin en était venue à bout ».

Le jeune homme était né le 19 juillet 1667 du premier mariage de Louis, duc d’Aumont, pair de France, chevalier des ordres du roi, premier gentilhomme de sa chambre, ancien capitaine des gardes, avec Madeleine Fare le Tellier, sœur du célèbre ministre Louvois. Nommé colonel du régiment de cavalerie de Villequier en 1699, il fut légèrement blessé à la bataille de Nerwinde (27 juillet 1693) tandis qu’un de ses hommes s’emparait du drapeau des gardes écossaises ; il eut encore la main percée en chargeant devant Namur (30 août 1695) et demeura estropié près de Bruxelles à quelques jours de là. Brigadier en janvier 1696, maréchal de camp en janvier 1702, il quitta alors le service. Il avait fait enregistrer à l’Armorial général les armes d’Aumont (d’argent au chevron de gueules accompagné de sept merlettes du même, quatre en chef, posées deux et deux, et trois en pointe mal ordonnées) et de Brouilly (d’argent au lion de sinople, couronné, lampassé et armé de gueules). La mort de son père en 1704 le fit héritier du duché d’Aumont, de l’importante charge de premier gentilhomme de la chambre, dont il avait la survivance depuis 1683, et du gouvernement de Boulogne et du Boulonnais qui valait une soixantaine de mille livres de revenu. Il reçut les colliers des ordres en 1712, partit pour Londres l’année suivante en qualité d’ambassadeur extraordinaire et y demeura un an avec beaucoup de magnificence. Il était facilement prodigue, d’esprit borné et assez galant. À la suite d’une « débauche de poisson » il tomba en apoplexie chez une comédienne, qui le renvoya dans un fiacre au bel hôtel d’Aumont, que son père avait fait élever en 1690, par François Mansart, rue de Jouy (aujourd’hui n° 7) ; si l’on en croit Mathieu Marais, « La duchesse ne voulut pas le voir parce qu’il avait avec lui son fils le duc de Villequier, qu’elle n’aimait pas » ; il mourut deux jours plus tard, le 6 avril 1723.

La duchesse lui survécut de peu, la petite l’emporta à Passy, le 21 octobre 1723, à soixante trois ans, son portait est conservé à l’hôpital de Boulogne et celui de son mari à l’hôtel de Ville. Elle avait présenté au roi, vers 1700, en qualité de dame de Montdidier, séparée de biens, un rapport imprimé au sujet de la mouvance des terres qui avait composé l’ancien duché d’Halluin. C’était, de l’avis de l’avocat Marais, « une des plus sages femmes de la cour et qui a été des plus belles et des mieux faites ».

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Louis Marie duc d’Aumont

Le fils qu’elle n’aimait pas ne jouit que peu de temps de son héritage. Il avait eu un jeune frère, mort à dix ans en 1702, sans avoir été nommé. Louis Marie d’Aumont, marquis de Villequier né le 26 septembre 1691, tour à tour mestre de camp de deux nouveaux régiments de cavalerie de Villequier, depuis 1709, brigadier en 1713, chevalier de Saint Louis en 1715, épousa en 1708, à dix sept ans, un des plus beaux partis de France, Catherine de Guiscard, née en 1687, fille d’un lieutenant général qui avait obtenu l’érection en marquisat de la terre de Magny, au nord de Noyon, en lui donnant son nom. Son père lui avait cédé sa pairie en 1722, il se fit recevoir au parlement sous le titre de duc de Villequier, l’année suivante, il devint gouverneur du Boulonnais. Il prit la maladie de sa mère et en mourut à Paris le 5 novembre 1723. Sa femme l’avait précédé au tombeau le 9 juillet. En six mois, les quatre cercueils allèrent faire dans les caveaux de l’église Saint Gervais, suivant l’expression du jeune duc en mourant« la partie carrée .... un vilain quadrille ».

Il demeurait un héritier de 14 ans, Louis Marie Victor Auguste, né le 8 août 1709. Marie Louis Hippolyte, marquis de Chappe était mort à 9 ans en 1720, et Nicolas Olympe, chevalier non profès de l’ordre de Malte, devait mourir le 28 novembre 1724, dans sa dixième année. Louis Marie reçut en 1728, le régiment de cavalerie d’Aumont et le commanda au siège de Philippsbourg en 1733, à l’armé du Bas Rhin en 1741, en Bohème l’année suivante et de nouveau sur 1e Rhin, Brigadier et Chevalier de Saint Louis en 1740, Maréchal de camp en 1743, chevalier du Saint Esprit en 1745, il monta à la tranchée devant Fribourg et servit à Fontenoy en qualité d’aide de camp du Roi. Il parvint au grade de lieutenant général en 1748 et reçut la même année le gouvernement de Compiègne, ceux du Boulonnais en 1751 et de Montreuil-sur-Mer en 1761, enfin le gouvernement et 1e baillage d’épée de Chauny.

Louis XV lui délivra, le 20 avril 1745, les lettres patentes qui autorisaient l’établissement d’un registre terrier où tous ceux qui espéraient des biens dans l’étendue de son marquisat de Piennes et de son comté de Montdidier était tenu de les déclarer, ainsi que les redevances dont ils étaient chargés. Depuis 3 ans Antoine Beaunaie cultivait ses terres de Beauvoir, à la suite d’une adjudication, pour un fermage de 800 livres, de nouvelles enchères devaient aboutir en 1779 à un bail au profit d’Antoine Poittevin et Pierre Hubert Delanch en échange de 525 livres en espèces et de 215 setiers de blé, mesure de Ham, rendu annuellement au château de Guiscard.

Ce duc d’Aumont était un des plus riches seigneurs de France, ses collections et sa bibliothèque lui ont laissé la réputation d’un amateur remarquable. En 1774, il dépensait, croit-on 400 000 livres pour transformer au goût anglais les beaux jardins à la Française que le Nôtre avait dessinés autour de son château de Guiscard. D’abord difficile, jaloux de son autorité, vaniteux et colérique, mais bon administrateur, il régnait sur les théâtres en qualité de premier gentilhomme de la chambre, et s’attira la haine des philosophes par les mesures qu’il prit contre Marmontel. Il avait épousé en 1727 Victoire Félicité du Durfort de Duras, morte en 1753 à 46 ans, veuve du duc de Fitz-James en première noce et fille aînée du deuxième maréchal duc de Duras et d’Angélique Françoise de Bournonville, ce fut une amie intime de Mme de Pompadour. Après avoir abandonné à son fils aîné l’hôtel de la rue de Beaune (aujourd’hui n.2), le duc d’Aumont alla demeurer place Louis XV (aujourd’hui de la Concorde), où il mourut le13 avril 1782, et fut inhumé dans l’église Saint Gervais.

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Alexandre Céleste d’Aumont

Il lui demeurait trois enfants. Le fils aîné, Louis, marquis de Villequier, n’avait vécu que deux ans (1729-1731). Mademoiselle d’Aumont, Jeanne Louise Coutance (1731-1816), s’était mariée en 1747 sans avoir eu d’enfants, à Gabriel Louis François Neufville, marquis de Villeroy, duc et pair de France en 1766, capitaine des gardes du corps du roi, lieutenant général, cordon bleu et gouverneur de Lyon, guillotiné le 28 avril 1794, dernier de son nom, pleine d’entrain et assez originale elle s’occupait de théâtre et cultivait les lettres. Louis Marie Guy Jacques, duc de Mazarin et d’Aumont, son frère, né le 5 août 1732, colonel du régiment de Mazarin infanterie en 1758, maréchal de camp en 1762, grand bailli d’épée de Chauny en 1789, épousa en 1747 sa cousine, Louise Jeanne de Durfort, duchesse de Mazarin, de la Meilleraye et de Mayenne, princesse de Château Porcien, née en 1735, dame pour accompagner Madame de 1756 à 1760, morte en 1781, unique enfant du troisième maréchal de Duras et de Charlotte Antoinette de la Porte Mazarini, duchesse de Mazarin, leur fille, Louise Félicité Victoire d’Aumont de Mazarin (1759-1826), mariée en 1777 à Honoré V, duc de Valentinois, prince de Monaco, « marchant sur les traces maternelle, a-t-on pu écrire, fut aussi célèbre par sa beauté que par ses amours », ses descendants occupent encore le plus petit trône d’Europe.

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Le dernier enfant du duc Louis Marie II hérita du marquisat de Piennes. Louis Alexandre Céleste d’Aumont, marquis de Villequier et de Piennes, né à Paris le 14 août 1736, avait obtenu la survivance de plusieurs des charges personnelles, celles de premier gentilhomme de la chambre, de gouverneur de Compiègne et du Boulonnais, Mestre de camp du régiment de Royal Pologne cavalerie en 1760, chevalier de Saint Louis en 1763, maréchal de camp en 1770, chevalier des ordres du roi en 1777, il fit avec distinction la campagne d’Amérique et y gagna le grade de lieutenant général (ler janvier 1784). Il avait été créé duc à brevet sous le nom de Villequier en 1759 au moment de son mariage avec Félicité Louise le Tellier, dite Mademoiselle de Montmirail, dame pour accompagner Madame en 1760, puis dame d’honneur de Mesdames (1736-1768), fille de François Michel César, marquis de Courtenvaux, comte de Tonnerre, capitaine-colonel des cent-suisses, et de Louise Antonine de Gontaut de Biron; « bonne et aimable femme, la douceur et l’honnêteté mêmes » elle laissa en mourant un fils, qui hérita du château de Coeuvres en Soissonnais et devint duc à brevet en 1780 sous le nom de Piennes puis duc d’Aumont après son père, lieutenant général, premier gentilhomme de la chambre de Louis XVIII et de Charles X, son petit fils mourut au Caire en 1888 sans s’être marié.

Le duc de Villequier se remaria en 1771 à Antoinette Marguerite Henriette Mazade de Saint Brisson (1785), fille d’un riche financier, trésorier général des états de Languedoc ; deux des filles qui naquirent de ce mariage s’aimaient si tendrement qu’elles ne purent se décider qu’à épouser deux frères et le même jour, en 1805, les comtes de Saint Aldegonde, pour continuer de vivre ensemble; la plus jeune resta célibataire.

Après avoir acquis l’important marquisat de Genlis, voisin de Chauny, au prix de 1 600 000 livres, Alexandre Céleste obtint son érection en duché en duché prairie héréditaire par lettres patentes de 1774 ; depuis lors, l’ancien village de Genlis n’a pas cessé, sauf de 1790 à 1814, de s’appeler Villequier Aumont. Les mémoires du temps, qui ne pêchent généralement pas par un excès de charité, peignent le dernier seigneur de la Villette et de Beauvoir comme « un honnête homme et un homme de bien », « calme et de bon jugement ». Sa seconde épouse lui avait apporté un vaste hôtel rue des Capucins (n. 17), confisqué en 1792, c’est aujourd’hui le siège du crédit foncier (4).

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