Histoire de Rollot
- Rollot au Moyen-Âge -
Livre IV - Chapitre I - Texte n°6
Ludovic Baillet

I/ Introduction

Le texte ci-dessous provient du cartulaire de l'abbaye de Saint-Corneille de Compiègne, œuvre du chanoine Émile-Épiphanius Morel. Il s'agit plus précisément de la charte n°CXV figurant aux pages 198 à 202 du tome premier dudit cartulaire.

Ce qui a trait à la commune de Rollot est mis en évidence.


II/ Version française

CXV

Droits respectifs de l'abbaye de Saint-Corneille et de l'avoué Pierre de la Tournelle sur les villages de Mesvillers, Pronastre et Faverolles

Vers 1172

Ansout, abbé de Saint-Corneille, d'une part, Pierre de la Tournelle, Havide, sa femme et Rogues, leur fils, d'autre part, notifient diverses conventions faites entre eux, relativement aux villages de Mesvillers, Pronastre et Faverolles.

Pierre de la Tournelle, avoué de ces villages, ayant causé à Saint-Corneille un dommage d'au moins quatre cents livres, s'était fait excommunier ; puis reconnaissant son tort et confessant qu'il ne pouvait lever en ces localités aucune taille, aucun impôt sans le consentement de l'abbaye ou de son prévôt, il avait obtenu son pardon.

Voici toutefois à quelles conditions : Pierre ne se servira jamais des charrues de l'abbaye pour détériorer les routes ou commettre d'autres délits sur le domaine des moines. A l'arrivée de l'abbé, des prévôts, des moines et des sergents, au temps de la moisson, comme en tout autre temps, il sera fourni autant de couvertures qu'il sera nécessaire. Nul ne pourra avoir de four où il puisse admettre son voisin ou un autre à cuire son pain, mais tous iront au four de l'abbaye. Leurs corvées faites, les paysans charrieront tout le blé de l'abbaye, moyennant six deniers châlonnais par muid. Chaque voiture recevra à Compiègne deux deniers provinois pour ses frais.

Trois points étaient en litige, savoir : la violation de sépulture, la dégradation des routes pavées et le brigandage. Il est entendu que dans ces trois cas, l'accusé se présentera devant l'avoué et payera l'amende, selon ce que décideront l'avoué et le juge ou vicomte.

Une fois l'an, à la Saint-Remy, l'abbaye et l'avoué imposeront une prestation et prendront chacun la moitié du produit. L'avoué aidera l'abbaye à défendre ses droits et forcera lus paysans à lui donner satisfaction, soit à Montdidier, soit dans l'un de ces villages.

 

Droits de l'avoué. — En mars, l'avoué a droit à une corvée de tous les habitants, excepté de ceux de Boiteau qui cultivent sans corvée vingt-trois mines et demie de terre et ne doivent de corvée que s'ils en cultivent davantage. La charrue perçoit pour ses frais pendant la corvée deux deniers provinois. La corvée est due pour les jachères aussi bien que pour les couvraines, ou terres ensemencées, moyennant le pain et le vin. En mai, chaque jardin ou clos doit à l'avoué un denier. Il a huit jours pour payer.

À la Saint-Jean, les manouvriers paient trois deniers, les laboureurs de FaveroIles et de Mesvillers cinq deniers ; ceux de Pronastre, à la Saint-Jean deux deniers et une obole, et à la Saint-Remy autant.

Le manouvrier de Faverolles paiera à la Saint-Remy quatre deniers, et le laboureur sept : le manouvrier de Mesvillers sept deniers et le laboureur treize, s'il a une charrue entière, c'est-à-dire le labour d'une charrue, et, s'il n'a qu'une demi-charrue, six deniers et une obole. Après la moisson, ceux de Faverolles et de Mesvillers qui ont un jardin doivent une mine d'avoine et une poule. Ils ont huit jours pour payer. Tout cheval, appartenant à ceux qui ont des jardins dans le ressort de l'avouerie, doit conduire à l'avoué quatre charretées de gerbes. Il sera donné un pain pour ce charriage. Tout cheval doit encore une charretée de bois à Noël. Il sera donné au conducteur un dîner à la tournelle.

Chaque enclos doit à Pronastre une poule après la moisson. On a huit jours pour payer. Tout manouvrier des trois villages doit une fois l'an trois jours de travail aux fossés. Tout cheval doit, après avis de l'avoué, contribuer au transport du vin, soit en conduisant la voiture vide en Beauvaisis, au delà de l'Oise, soit en la ramenant chargée.

Quand le comte de Vermandois en avertira l'avoué, les hommes des trois villages iront à l'armée pendant trois jours, à l'exception du fournier et du forgeron, et prépareront les tentes. Si les paysans se sont donné des gages entre eux, avant qu'ils ne fournissent de caution, ils payeront cinq
sous d'amende, dont la moitié au prévôt de l'avoué et l'autre moitié au maire de Saint-Corneille. Quand les cautions auront été fournies, toute l'amende sera pour l'avoué. L'avoué ne peut, en ces villages, mettre à mort un homme pour aucun forfait, ni le mutiler, ni le conduire en duel, ni le condamner à une amende qui dépasse soixante sous ; et si l'amende monte à soixante sous, le prévôt aura cinq sous.

 

Droits de l'abbaye. — En mars, les habitants de Faverolles doivent une corvée. On leur paye deux deniers avec pain et vin en jachère comme en couvraine. A la Saint-Rémy, chaque clos doit quatre deniers, excepté cinq qui ne rendent que trois deniers. Après la moisson chaque clos donne une mine d'avoine et une poule et à Noël trois deniers, trois pains et deux chapons. Chaque cheval doit le transport d'un muid de blé. Deux bœufs doivent le même transport.

Semblablement les habitants de Mesvillers doivent une mine d'avoine et une poule, et à la Saint-Rémy, deux deniers et une obole. Chaque clos doit trois mines et demie d'avoine (excepté trois qui ne rendent que quatre deniers), et à Noël trois deniers, trois pains et deux chapons.

Les habitants de Pronastre à la Saint-Jean paient deux deniers et une obole, et à la Saint-Remy autant. Chaque clos rend trois mines et demie d'avoine excepté trois qui ne sont taxés qu'à trois mines), et à Noël deux deniers, deux pains et deux chapons. Si l'abbaye cite quelqu'un, ce sera sur le territoire de ces trois villages.

CRp, 272. - D. Berth., 166 v°.

 


III/ Commentaires du chanoine E. Morel

Les habitants de Pronastre, Faverolles et Mesvillers avaient porté plainte au souverain Pontife contre l'abbé de Saint-Corneille et le seigneur de la Tournelle, qui les écrasaient d'impôts et de corvées. Alexandre III, en juillet 1171 ou 1172, confia à l'archevêque de Reims le soin de procéder à une enquête et de faire cesser les abus. C'est sans doute à la suite de l'intervention du prélat que furent spécifiées et consignées par écrit les charges que devaient, conformément à la coutume, supporter les habitants des trois villages.

 


IV/ Version latine (version originale)

Cyrographum advocationis de Mesvillier.

Ego Ansoldus. Dei gratis abbas, cum universo Compendiensi capitulo, ego Petrus de Tornella cum uxore mea Hadvide et filio Rogone, tam presentibus quam futuris in perpetuum. Noverint universi quod querela erat inter Compendiensem ecclesiam et Petrum de Tornella advocatum trium villarum ecclesie, scilicet Mesvillaris, Pronastri et Faverolarum, pro damno quod fecit predicte ecclesie ad valens quadringentarum librarum, unde excommunicatus fuerat. Idem ergo Petrus, ad ecclesiam veniens, forefactum cognovit, recognoscens quod neque talliam, neque rogationem aliquam, sine consensu ecclesie vel prepositi ejus ad messem, in predictis villis habebant. Tali vero conditione predictus Petrus ab ecclesia absolutus est, quod in culturis ecclesie carrucas ejusdem ecclesie pro transforatione pyrgii vel alio forefacto non poterit capere. Culcitras per tres villas in adventu abbatis aut prepositorum seu monachorum vel servientium, tempore messis et omni alio tempore, quotiens et quantum opus fuerit, predicta Compendiensis ecclesia habebit. Furnum in prefatis villis preter ecclesiam nemo potest hahere, ubi vicinum suum vel alterum, possit admittere vel panem alterius coquere. Ad furnum vero ecclesie, nullo omnino vel advocato vel alio prohibente, omnes debent venire. Post corveias suas adducent rustici totam annonam ecclesie, modium pro sex nummis Cathalaunensibus, et pro pastu habebit apud Compendium unaqueque vectura duos Provenienses. De tribus causis unde litigium erat inter ecclesiam et advocatum, scilicet de incisione busci, de transforatione pirgii, et de latrocinio, submonitus homo veniet ante advocatum, et, sicut advocato et vicecomiti [videbitur], aut emendabit aut se defendet. Petitionem unam semel in anno, scilicet ad festum sancti Remigii ecclesia et advocatus simul facient, ita quod ecclesia super hoc advocatum non poterit conturbare vel impedire, nec advocatus ecclesiam, cum hanc petitionem voluerit facere. Quod autem inde habuerint in commune dividetur et unam medietatem ecclesia Compendiensis, aliam vero advocatus habebit. De his ergo et aliis consuetudinibus, quas in prefatis villis Compendiensis ecclesia debet habere, advocatus promptissimus et fidelissimus adjutor erit, et rusticos, si eam inde aliquo modo infestaverint, velint, nolint, pro posse suo apud Montisderium et infra potestatem predictarum trium villarum coget reddere.

In martio, habet advocatus in prefatis villis de his qui colunt terram corveiam unam, exceptis illis de Bustellis qui faciunt absque corveia viginti tres minas et dimidiam sementis, et si amplius de ea coluerint, corveiam debent. Carruca vero pro corveia habet pro pastu duos Provenienses. In gascheriis similiter, debent corveiam et debent habere panem et vinum ; in coopertura similiter. In maio, unusquisque hortus harum trium villarum advocarie debet advocato unum denarium, et habet octo dies submonitionis ; ad festum sancti Johannis manuoperarius debet tres denarios et laurarius quinque de Faverolis et Mesvillare. Item de Pronastro, ad festum sancti Johannis duos denarios et obolum, ad festum sancti Remigii similiter. De Faverolis, ad festum sancti Remigii manuoperarius quatuor denarios et laurarius septem. De Mesvillare, manuoperarius septem denarios ad festum sancti Remigii et laurarius tredecim, si habet carrucam integram, si dimidiam sex denarios et obolum. Post augustum, illi de Faverolis et Mesvillare qui tenent hortum advocarie debent unam minam avene et  unam gallinam et habent octo dies submonitionis. Unusquisque equus qui terram colit advocarie et de illis qui hortos tenent debent ducere advocato quatuor quadrigatas garbarum, et habent in extremo unum panem. In natale Domini, unusquisque equus harum trium villarum debet unam quadrigatam lignorum, et debent habere prandium in tornella. Unusquisque hortus Pronastro debet unam gallinam post augustum, et habet octo dies submonitionis. Quisque manuoperarius harum trium villarum debet semel in anno tres dies fossati. Quisque equus harum trium villarum, ad submonitionem advocati, debet vinagium et debet ire in Belvacensi territorio titra Izaram , ita quod illi qui duxerint currum vacui redibunt et alii vinum adducent. Quando tomes Viromandensis submonuerit advocatum de exercitu, ibunt homines harum trium villarum ad submonitionem advocati per tres dies in exercitum, excepto furnario et fabro, et facient tentoria ipsius. Si rustici inter se vadia dederint, antequam dent obsides, erit justitia communis inter ecclesiam et advocatum scilicet quinque solidos, et duos et dimidium dabunt preposito advocati et majori ecclesie. Postquam obsides dati fuerint, tota lex erit advocati. Advocatus non potest hominem potestatis predictarum villarum pro ullo forefacto interficere aut aliquod membrum auferre vel ad duellum ducere, nec forefactum illius plus quam ad sexaginta solidos potest ascendere, et cum ad sexaginta solidos ascenderit, prepositus ejus quinque solidos debet habere.

Item consuetudines ecclesie.

In marcio, debent illi de Faverolles ecclesie corveiam unam ; et debent habere duos denarios in gascheria et coopertura similiter, et debent habere panem et vinum in his duobus terminis. Ad fcstum sancti Remigii, debet unusquisque hortus quatuor denarios, exceptis quinque qui debent tres denarios ; et post augustum unusquisque hortus unam minam avene et unam gallinam, et habet octo dies submonitionis, in Natali tres denarios et tres panes et duos capones. Quisque equus debet ducere modium frumenti, et duo boves unum.

De Mesvillari, similiter unam minam avene et unam gallinam, et habent octo dies submonitionis ; ad festum sancti Remigii similiter duos denarios et obolum ; unusquisque hortus tres minas et dimidiam avene, exceptis tribus qui debent quatuor denarios. Quisque hortus in Natali tres denarios et tres panes et duos capones.

De Pronastro, ad festum sancti Johannis duos denarios et obolum ; ad festum sancti Remigii similiter duos denarios et obolum. Unusquisque hortus tres minas et dimidiam avene, exceptis tribus tres minas ; in Natali duos denarios et duos panes et duos capones. Si ecclesia aliquem hominum advocarie submonuerit, non exibit extra potestatem predictarum villarum.

 


 

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