Rollot et ses hameaux
- Rollot aux XIXe et au XXe siècle : les invasions -
Chapitre 9
Maxime de Sars

 

Nouvelle organisation, administration

Cette constitution, que l’on pouvait croire aussi instable que toutes celles qui l’avaient précédée, réorganisait notre régime administratif sur des bases si solides qu’elles ont peu varié jusqu’à nos jours. Le département, à la tête duquel était placé un préfet, recouvrait, sous le nom d’arrondissements, ses cinq anciens districts, mais le nombre des cantons était sérieusement réduit, celui de Montdidier reçut en 1802 onze nouvelles communes à la suite de la suppression des cantons d’Aubvillers et d’Hangest ; Rollot demeurait de beaucoup la plus importante, après le chef lieu. Enfin, chaque village recouvrait son autonomie municipale.

Le suffrage universel était conservé et bridé dans un système compliqué qui laissait en fait au pouvoir exécutif la faculté de choisir les administrateurs et les représentants de tous ordres. Les électeurs étaient invités, tous les trois ans, et pour la première fois en 1801, à dresser en assemblée cantonale une liste d’arrondissements, contenant le dixième d’entre eux et où devaient être pris par le gouvernement les agents de cette circonscription. La liste départementale était égale au dixième de la première, et la liste nationale au dixième de la seconde.

 

Concordat

A son tour la vie religieuse reprenait sur de nouvelles bases. Le concordat achevait de rouvrir les églises et une hiérarchie différente bouleversait la carte ecclésiastique qui remontait aux Gallo Romains. Le département de la Somme et celui de l’Oise formaient le diocèse d’Amiens, dépendant de la province de Paris ; le siège de Beauvais, comme celui de Reims, ne devaient ressusciter qu’en 1822. L’église de la Villette devenait une des seize succursales du doyenné de Montdidier, avec son secours de Rollot. Le conseil municipal dépensa 240 francs 20, en 1803, pour remettre le presbytère en état d’être habité.

 

Premier empire

En dehors des appels d’hommes et d’argent qui devenaient de plus en plus pressants, des Te Deum ordonnés pour célébrer des victoires aux noms étrangers, le premier empire ne marqua dans les annales communales que par la construction, en 1813, d’un bâtiment de 9 mètres 72 sur 5 mètres 19 destiné à l’usage de mairie et d’école ; le projet ne prévoyait qu’une dépense de 1960 francs 60 (1).

Déjà commençait à circuler les nouvelles les plus sinistres. Le désastre de la campagne de Russie n’avait pu être caché. Nos armées luttaient pied à pied en Allemagne, trahies par des alliés qui se retournaient contre elles. Les picards suivaient avec passion cette lutte épique. Les représentants des communes réunis en assemblée cantonale à Montdidier offrirent une contribution d’environ 9 000 francs destinée à monter et équiper cinq cavaliers ; tout l’arrondissement en fournissait vingt-deux.

 

Invasion de 1814

Il était plus facile de réunir de l’argent que des soldats ; sur une levée de près d’un million d’hommes, 1/4 à peine pu être armés et 1/8 eut le temps de prendre part à la bataille. Écrasés sous le nombre, les débris de la Grande Armée repassaient le Rhin et, derrière eux, près de 250 000 alliés achevaient de le franchir en une douzaine de colonnes, le 1er janvier 1814. Deux mois plus tard, le département de la Somme était envahi. C’était le jour de marché à Montdidier, le samedi 19 Mars, à dix heures du matin ; la foule était très dense, quand apparut à un bout de la place une poignée de cosaques. En un clin d’œil le marché se trouva désert, les fuyards renversaient dans leur hâte les échoppes et bousculaient les animaux qui s’enfuyaient en hurlant. Après avoir frappé le canton d’énormes réquisitions, cette avant garde disparut. Mais, dès le lendemain matin, la ville était occupée par 7 à 800 cosaques, hussards et artilleurs prussiens que commandait un officier russe, le baron de Geismar, un escadron de hussards prussiens arrivait dans l’après-midi de Noyon par l’ancien chemin de traverse qui passe à Onvillers et à Piennes.

Pendant 1 mois, cette bande de cavaliers terrorisa tout le département. « Ils parcouraient les campagnes, écrit Victor de Beauvillé, pénétraient dans les petites villes, bouleversaient les services publics et exigeaient des réquisitions auxquelles, avec la meilleure volonté, on ne pouvait toujours satisfaire ».

Le Préfet ordonna inutilement, le 21 mars, la levée en masse du quarantième de la population. Enfin, une colonne de soldats et de volontaires partis d’Amiens le 24, sous la conduite de Merlin de Thionville et se fit battre au delà du bois de Halles, par suite de la carence, voulue disait-on, d’une autre colonne qui devait venir de Beauvais. Les Beauvaisiens finirent par arriver, trop tard malheureusement, et s’emparèrent de Montdidier; tandis que l’ennemi détalait en incendiant un faubourg. Il revint en force, menaçant de tout brûler et saccager, il se contenta de piller. La 10e brigade du 2e corps de l’armée prussienne, occupa l’arrondissement de Montdidier, du 25 avril au 11 mai, forte de 2 500 fantassins et de 500 cavaliers, et rentra ensuite en Allemagne après avoir traversé les cantons de Bray-sur-somme, Combles et Chaulnes pour gagner les Pays-bas (2).

 

Invasion de 1815

La Picardie n’était pas à la fin de ses épreuves. Dix mois plus tard, le retour de Napoléon entraînait une dernière coalition et la défaite ouvrait la porte à l’invasion. Beauvillé rapporte que le canon de Waterloo pouvait être perçu de Montdidier : en collant l’oreille au sol, on sentait trembler la terre. Dès le surlendemain, les blessés commencèrent à envahir la ville. Le 27 juin 1815, à trois heures de l’après-midi, treize hussards anglais se présentèrent en éclaireurs, précédant à une journée de marche 25 à 30 000 Anglais, Prussiens, et Hollando-Belges qui gagnaient Paris par la route de Clermont. Une garnison prussienne occupa pendant trois mois Montdidier.

Les troupes alliées se montrèrent plus exigeantes que l’année précédente ; leurs énormes réquisitions en vivres et en numéraires témoignait du désir de ruiner un pays que sa première défaite n’a pas contenu. Pour rhabiller quelque huit cent mille soldats de toutes couleurs, on prend chez les commerçants d’innombrables ballots de drap ciel, ponceau, cramoisi, blanc, bleu, gris, noir, vert, jaune, brun. Le commissaire général de l’armée britannique réquisitionne le 5 septembre, dans l’arrondissement 10 000 bottes de foin, trèfle ou luzerne à porter en moins de 48 heures au magasin de Roye, Rollot est taxé de 220 bottes. Le 23, il donne 4 jours pour qu’il lui soit livré 10 000 livres de froment, dont 860 livres viendront de notre village. À la fin de l’année on signalait encore la présence dans les cantons de Montdidier, Roye, Chaulnes et Nesle de la 23e brigade prussienne, qui comprenait 7 583 hommes et 882 chevaux.

Pour tant de pertes les départements envahis n’obtinrent qu’une remise des deux tiers de la contribution extraordinaire de 1813 et 1814, une commission se réunit pour liquider les réquisitions françaises. Les Picards se remirent courageusement au travail, l’ennemi parti et l’abondante récolte de 1816 effaça toute trace de misère (3).

 

Le milliard des émigrés

Dix ans plus tard, une loi qui passionna les partis tenta d’indemniser partiellement d’autres victimes des années de trouble. Déjà Napoléon avait travaillé à la réconciliation des Français en restituant aux émigrés ceux de leurs biens qui n’avaient pas été aliénés, à l’exception des forêts et des immeubles occupés par les services publics. Le duc de Villequier était rentré à la suite de son roi pour mourir, le 15 août 1814, dans son château de Genlis (Villequier Aumont) que ses filles tenaient de la munificence impériale. À la suite, sans doute du mariage de sa petite fille, âgée de 9 ans avec le prince Borghèse, beau-frère de Pauline Bonaparte, le duc de la Rochefoucault Liancourt, que le premier consul avait rappelé en 1799, recouvra le château de Maignelay, avec un domaine de 196 hectares que la princesse conserva jusqu’à sa mort en 1877. Une loi transforma dès 1814, en un droit absolu pour les propriétaires spoliés ces restitutions gracieuses.

Enfin celle dite du milliard des émigrés, promulguée le 27 avril 1825 consacrait 30 millions de rentes sur l’Etat à indemniser « les français dont les biens ont été confisqués et aliénés, en exécution des lois sur les émigrés, les déportés et les condamnés révolutionnairement ». Les bureaux des préfectures devaient établir le compté de chaque demandeur en portant à son actif la valeur des immeubles aliénés à la date de 1790, et au passif, le montant des dettes payées par l’administration des domaines au compte du propriétaire dépossédé.

Cette dernière condition priva beaucoup d’intéressés de tout dédommagement. C’est ce qui advint aux deux émigrés de Rollot. La plupart des grandes familles de cour étaient, il est vrai, fort endettées en 1789, mais les créances réglées par l’Etat n’avaient pas toujours été examinées avec tout le soin nécessaire, en l’absence du débiteur. En outre, le bordereau prévu par le législateur ne tenait pas compte des meubles et des rentes confisqués par contre, les dettes étaient portées pour leur montant nominal, qu’elle qu’en fut l’origine, sans tenir compte de la dépréciation des assignats qui avaient servi à payer les créanciers. L’administration s’entendit à restreindre, en appliquant la loi, la portée des générosités promises par le gouvernement.

L’ancien seigneur de Rollot, devenu duc de la Rochefoucault en 1814 siégeant au côté gauche de la chambre des pairs avait combattu le projet d’indemnité ; il mourut le 27 mars 1827 à Paris et ses funérailles donnèrent lieu à une manifestation politique, son cercueil roula dans le ruisseau au cours d’une bagarre entre les libéraux et la police, il reposa à Liancourt, dans une île sous des peupliers, à l’exemple de J.J. Rousseau trois ans plus tard on devait lui décerner les honneurs du Panthéon. Son vote ne l’avait pas empêché de solliciter le bénéfice du texte législatif qu’il avait cherché à repousser.

Le décompte établi par le directeur des domaines de la Somme concluait à un actif de 69 753,42 francs soit dix-huit fois le revenu des biens vendus, valeur de 1790, et un passif de 1 543 130 francs de dettes payées à la décharge du propriétaire dépossédé, accru de 5 365,44 francs de biens, restitués en exécution de la loi du 5 décembre 1814. Les héritiers du duc, se jugeant lésés par ce mode d’évaluation, demandèrent dès 1827 un supplément d’indemnité imputable sur le fonds commun, comme l’avait promis la loi de 1825 mais les 100 millions de ce fonds, produit des économies réalisées par l’administration, devaient être annulés au trésor en 1831, sans avoir été distribués. Le bordereau de l’Oise, présentant par contre un solde actif, permit de remettre aux enfants du philanthrope des rentes 3 pour cent représentant un capital de un million et demi de francs.

L’ancien duc de Piennes qui était depuis 1814 duc d’Aumont, pair de France, lieutenant général et premier gentilhomme de la chambre, présenta aussi une demande d’indemnité, du chef de son père, pour les spoliations qu’il avait subies à la Villette où les ventes nationales avaient produit 51 111,26 francs - Mesnil-Saint-Georges, Onvillers, Faverolles, Remaugies, Piennes, Montdidier et Ételfay ; l’actif n’atteignait que 629 220,46 francs, en place de 1 323 834 francs de dettes. Dès le 31 juillet 1829 le noble pair demeuré léger et insouciant, toujours à court d’argent avait cédé ses droits à un négociant parisien et à un notaire de Soissons, en échange d’une somme de 200 000 francs ses cessionnaires en appelèrent eux aussi au fonds commun ; mais la note imprimée qu’ils firent passer en 1831 à la chambre des pairs ne devait pas en empêcher la confiscation. Le duc d’Aumont mourut le 31 juillet de la même année. (4).

 

Monarchie constitutionnelle

A l’époque de la restauration la situation de l’instituteur ne s’était guère modifiée depuis l’ancien régime. Antoine Isidore Décour, âgé de 28 ans originaire de Cantigny nommé en 1821 recevait 300 francs par an de la commune et les parents de ses élèves lui versaient un « écolage » de 200 francs. On voit que quelques années plus tard sa classe réunissait cent quinze enfants, mais l’été il n’y en avait plus que trente-cinq, six étaient admis gratuitement. Il est vrai que son prédécesseur Maillet était autorisé en 1829 à ouvrir un pensionnat à Rollot.

En 1831 un généreux habitant, Nicolas Delacorne légua au bureau de bienfaisance tous ses biens montant à 12 000 francs pour en employer le revenu au soulagement des pauvres infirmes et malade de la commune, entre autres quatre maisons qui furent vendues en 1842 pour près de 5 000 francs.

Le renouvellement du cadastre en 1837 fixa la superficie des terres labourables à 733 hectares, celle des prés à 232 jardins, celle des jardins à 17 hectares, celle des bois à 155 hectares plus 45 hectares de futaie, les oseraies à 64 hectares, les carrières, sablières et friches à 92 hectares ; Rollot et ses hameaux groupait trois cent cinquante sept maisons, trois moulins à vent et une tannerie. Les baux laissaient apparaître un prix moyen de location de 46 francs à l’hectare pour les terres, 36 francs pour les bois, 50 francs pour les prés et 70 francs pour les jardins.

L’impôt foncier produisait, en 1843 6 233 francs, les portes et les fenêtres 1 286 francs, la personnelle mobilière 1 339 francs, les patentes 1 220 francs. Le budget de la fabrique s’équilibrait, en 1837, à 240 francs en recettes et en dépenses (5).

La république fut proclamée en 1848 avec solennité. Après la lecture publique de la proclamation des membres du gouvernement provisoire par le maire, le citoyen Jean Baptiste Debourge, commandant de la garde nationale, prononça quelques paroles chaleureuses, que saluèrent les cris unanimes de Vive la République ! Vive le gouvernement provisoire ! Des drapeaux tricolores étaient arborés sur plusieurs maisons. Quelques mois plus tard, le 10 décembre les électeurs de Rollot donnaient 291 voix à Louis Napoléon Bonaparte, candidat à la présidence de la république, 22 voix au général Cavaigne et 3 voix se perdaient sur divers noms. 1849 demeura célèbre dans la chronique locale comme l’année des banquets. Il y en eut un à Rollot le ler avril, à Roye le 6, à Breteuil le 20 mai. Trois jours plus tard, un prix général réunissait à Montdidier 157 archers. Une nouvelle fête accompagna, le 17 juin, la distribution des drapeaux aux compagnies de garde nationale de l’arrondissement, ce fut celle de Rollot qui arriva la première, à neuf heures et demie. Notre commune voulut reconnaître l’accueil qu’elle avait reçu de la compagnie du chef lieu. Une manifestation de solidarité fut organisée le dimanche 30 juillet ; les soldats citoyens reçus sous des arcs de triomphe et une pluie de bouquets qui tombaient des fenêtres, manœuvrèrent en présence du sous-préfet ; les habitants s’arrachèrent ensuite les gardes invités pour les emmener chez eux, tandis que les autorités banquetaient encore une fois.

Ces délassements n’empêchaient pas de cheminer un projet qui tenait au cœur de la population. Un arrêté préfectoral en date du 27 novembre 1849 autorisa la constitution d’une commission chargée de réaliser l’érection d’un monument à l’orientaliste Galland, sous la présidence du sous-préfet de Montdidier, M. de Viefville des Essarts, et la vice présidence du docteur Jean Baptiste Debourge, qui en avait pris l’initiative. Il fut décidé que son buste serait placé sur un piédestal au débouché de la rue Saint Nicolas sur la route nationale. L’artiste choisi par le comité, un enfant du pays nommé Détrémont, soumit, dès l’année suivante un projet que le conseil des Bâtiments Civils estima, sans doute avec quelque partialité, « au-dessous de toute critique », n’indiquant, ajoutait-il, « dans son auteur aucune connaissance, soit sous le rapport de l’art, soit sous celui de la construction », il fallut apporter successivement deux modifications au projet avant de le voir approuvé (l’artiste avait donné à son buste des traits fantaisistes). Il est vrai que le coût n’en dépassa pas 910 francs ; la souscription atteignant 1 260 francs, sur lesquels 400 francs avaient été accordés par le ministre de l’intérieur, on pouvait consacrer 350 francs aux frais d’inauguration. La cérémonie se déroula le 29 juin 1851 « avec la plus grande dignité, et tout l’éclat que comportent les lieux » en présence du sous-préfet, des deux représentants de l’assemblée législative, de la garde nationale et toutes les communes voisines et d’une délégation de la Société des Antiquaires de Picardie. On entendit tour à tour le docteur Debourge retracer la vie studieuse de Galland, un homme de lettres du voisinage Galoppe d’Onquaire, résumer l’histoire du monument, sans souffler mot bien entendu des appréciations de la commission des bâtiments civils, Détrémont présenter son œuvre, le secrétaire perpétuel Garnier rappeler la part prise par le grand homme dans le développement des études orientales. Une pièce de vers dite par Breuil et une courte allocution du représentant Labordérent clôturèrent cet assaut d’éloquence. La fête n’aurait pas été complète sans un dernier banquet.

Un décret daté du 30 avril de cette année avait fixé les deux foires annuelles au second jeudi de juin et au jeudi après le 24 octobre.

Cette année s’acheva sur un brusque dénouement politique, quoi qu’attendu, ou redouté, depuis longtemps : un coup d’état, qui mettait le prince président à même de se débarrasser de l’assemblée. Les électeurs de Rollot étaient au nombre de 318 : 269 approuvèrent Louis Napoléon, 16 seulement dirent non, mais les abstentions atteignirent le chiffre de 36 (6).

 

Second empire

Un an plus tard, le dictateur ceignait la couronne impériale approuvé par un nouveau plébiscite encore plus favorable.

On se préoccupa en 1855 d’élever une mairie école digne du développement que prenait la bourgade. L’acquisition d’un immeuble des consorts Paillet demanda 3 400 francs, les frais d’aménagement portèrent la dépense à 11 134 francs, qui furent couverts par une imposition extraordinaire de 7 000 francs répartis en six ans à titre de centimes additionnels aux 10 265 francs de contributions qu’acquittait la commune, un prélèvement de 1 492 francs, sur les fonds disponibles, une participation budgétaire de 1 200 francs, enfin une grâce à un secours de 2 423 francs sollicité de l’État.

Une seule classe était prévue pour les garçons, leur maître recevait un traitement communal de 705 francs qui devait être porté en 1869 à 1 049 francs, en dehors des 100 francs que la fabrique allouait au « clerc laïque ». À l’usage des filles on affecta, en la reconstruisant au prix de 5 513 francs, la vieille école mixte acquise en 1848 derrière l’église Saint Nicolas. L’aménagement de la mairie s’acheva en 1865 par la pose d’une horloge dans un clocheton. Melle Delarivière avait légué, en 1863, une somme de 8 000 francs en vue d’assurer un traitement de 400 francs aux deux institutrices congréganistes qui tenaient l’école des filles, et en outre 4 000 francs au bureau de bienfaisance.

Le docteur Jean Baptiste Debourge que nous avons déjà vu sous l’uniforme de garde national et en posture d’orateur, était un homme instruit, actif et dévoué. Depuis 1844, il remplissait gratuitement les fonctions de médecin du bureau de bienfaisance. Il composa en dehors de son compte-rendu de l’épidémie de fièvre typhoïde qui a régné à Vaux en 1843 et 1845, brochure imprimée à Bruxelles, divers ouvrages de vulgarisation : le mémento du père de famille et de l’éducateur de l’enfance, Mirecourt 1860 - Un mot sur les habitations insalubres, Mirecourt 1860 - Les cent et une soirées d’hiver, le livre de chacun et de tous ou les causeries sur l’hygiène, Paris, Humbert 1860 - Le livre des jeunes mères ou les milles et un conseils sur la manière d’élever les enfants, Paris, Humbert 1867 - Le buveur, son présent et son avenir, Paris Humbert 1864 - De la mortalité des nouveaux nés et des moyens de s’y opposer, Mirecourt 1864 - Le livre d’or des enfants, ou causerie maternelle sur l’hygiène, Mirecourt 1865 - Le rachitisme et l’alimentation, conseils aux mères et aux nourrices, Mirecourt 1866 - Le mémento du sapeur pompier - Un mot sur la vaccine et les vaccinations - De l’inoculation stibiée.

La municipalité trouva en lui un ardent propagandiste. Il organisa en 1857 une société de secours mutuels, dont il fut nommé président, entre les pompiers et les ouvriers de Rollot, Assainvillers, Piennes, Remaugies, Fescamps, Onvillers, grâce à lui, cette association put se constituer en 1861 une bibliothèque dont un catalogue imprimé énumère les 418 volumes, parmi les nombreux donateurs, on trouve le nom du marquis de la Rochefoucault Liancourt. La société pour la gratuité et les progrès de l’enseignement primaire, fondée en 1865, est sans doute une autre de ses œuvres. Cet homme de bien mourut en 1870, laissant un fils, le docteur Alexandre Debourge, pour continuer sa tâche (7).

 

Invasion de 1870

Il disparaissait au moment ou son pays connaissait à nouveau la honte et les épreuves de l’invasion. L’arrondissement de Montdidier ne fut définitivement occupé par l’armée allemande de Manteuffel qu’à la fin de l’année. Rollot subit de l’administration allemande et ennemie, établie au chef lieu, des demandes fréquentes en argent et en nature destinées évidemment à épuiser la nation vaincue.

Après la paix, la municipalité établit un état de ses pertes qui fut soumis à une commission cantonale :

Garde nationale mobilisée : habillement, équipement et solde en décembre 1870 2 014  francs
Contributions prussiennes demandées le 9 février 1871 25 050  francs
Quatre douzièmes des impôts directs, augmentés de 150 pour cent au titre des contributions directes 8 821  francs 65
Participation aux frais d’un sous-préfet prussien à Montdidier 75  francs
Réquisitions transmises par le maire en foin, avoine, paille, bestiaux 5 323  francs 35
Total 41 279  francs

L’état et le département remboursèrent à la commune les contributions versées à l’ennemi. Sur les 100 millions de secours votés par l’assemblée nationale, Rollot reçut 1 335 francs 12 qui furent répartis entre 12 habitants par fractions inégales de 50 à 200 francs. Des bons de liquidation, montant à 280 francs et aliénés servirent à réparer les chemins vicinaux. La commune s’était en effet substituée aux particuliers qu’elle indemnisa elle-même du surplus des réquisitions, grâce à un emprunt de 5 400 francs autorisé par le décret du 23 avril 1872.

 

Troisième république

En dépit de ces charges, cette année là, au niveau de 8 944 ; la location du droit de pêche dans les deux mares communales, celle du calvaire de Saint Nicolas et de Regibaye, pour 20 francs et les droits de place au marché se montant à 420 francs.

Peu d’événements marquèrent les dernières années du XIXe et les débuts du XXe siècle ; en 1881, le conseil municipal décida d’instituer l’enseignement laïque à l’école des filles, préférant renoncer aux 8 000 francs légués que réclamèrent les héritiers de la demoiselle Delarivière. Les esprits étaient très montés. Le curé, accusé d’avoir manqué de respect au gouvernement au cours d’un sermon, se vit traduire en police correctionnelle et condamné. Une nouvelle école congréganiste s’ouvrit sous la direction de religieuses oblates et le chanoine d’Hallu demanda aux frères des écoles chrétiennes d’enseigner les garçons. Rollot posséda donc jusqu’en 1902 quatre écoles. La commune reconstruisit ses classes de filles en 1885 et vendit 3 500 francs l’ancien bâtiment derrière l’église en 1890.

Depuis 1829, un facteur rural apportait chaque jour de Montdidier le courrier. On put enfin mettre en service, le 1er décembre 1886, une recette des postes de quatrième classe, promis depuis 1849, le télégraphe fonctionna l’année suivante, grâce à une participation de 1 408 francs 40 aux frais d’établissement, voté par le conseil. Le bureau devait être transféré en 1903 dans la maison Morot que la commune avait acheté 10 000 francs.

Le chanoine d’Hallu qui occupait une stalle de la cathédrale d’Amiens, dépensait pour le bien de ses concitoyens une fortune gagnée dans le tannage des peaux par ses ancêtres. Il décide de reconstruire la vétuste église de Saint Nicolas que l’importance prise par l’agglomération de Rollot, longue de plus de deux kilomètres rendait insuffisante. Le chœur et une partie de la nef du nouvel édifice, bâtis en 1891 dans le style gothique sous la surveillance de l’architecte Delfortrie, s’élevait rapidement sur un terrain qu’il avait acquis derrière l’ancienne église, et il put les céder en 1892 à la commune en échange du Vieux Saint Nicolas prêt à être livré à la pioche des démolisseurs, l’achèvement de l’église demandait 43 000 francs sur lesquels le généreux chanoine participa pour 30 000 francs et la commune pour 5 000 francs.

L’aspect du terroir et l’existence de ses habitants s’étaient profondément modifiés depuis cent ans. Les chaumières en pisé avaient fait place à de spacieuses maisons de briques, couvertes de tuiles ou d’ardoises. Un médecin et un pharmacien habitaient Rollot. Sur les 1 200 hectares de son territoire, 1 150 étaient consacrés aux diverses formes de l’activité agricole : 831 de terres labourables, 255 de prés d’un rapport moyen, 8 de vergers, 18 de jardins, 37 seulement de bois, ceux de Regibaye, de Carouge, de Rollot, de la fosse Jumelle, d’Herault, de Lignières et Mariez, la petite forêt, le bosquet Jean Maillard avaient été défrichés, seuls demeuraient le bois Maillard, le bois Brûlé et une partie de celui de Rollot. Cinq cent soixante dix propriétaires fonciers se partageaient à la fin du siècle dernier, 4 624 parcelles groupées en 280 exploitations, dont 231 étaient inférieures à 5 hectares et une seulement dépassait 100 hectares. La terre labourable se vendait couramment 2 000 francs l’hectare et se louait 70 francs, l’hectare de pré montait à 2 500 francs, et s’affermait 150 francs. Les céréales prenaient une surface de 663 hectares, les betteraves et les plantes fourragères 99 hectares, les pommes de terre 11 hectares les betteraves à sucre 10 hectares, 48 hectares étaient encore en jachère. La récolte des fruits, vendus ou transformés en cidre, donnait un revenu moyen de 51 000 francs. Le cheptel vif se composait de 155 chevaux, 10 ânes, 325 bêtes à cornes, dont 165 vaches laitières, 908 moutons, 53 porcs, 38 chèvres, quelques ruches très délaissées. Les méthodes de culture et l’outillage étaient en progrès, mais on déplorait l’esprit de routine de beaucoup de cultivateurs, le fumier y était peu utilisé et l’emploi des engrais commençait à peine. L’ouvrier des champs gagnait 2 francs 50 par jour.

Depuis longtemps l’extraction des cendres sulfureuses avait été abandonnée, faute de débouché, les sablières n’étaient exploitées que par intermittence. Disparue aussi la tannerie. Les moulins avaient cessé de faire tourner leurs ailes, celui de Rollot avait été converti en ferme. Le marché qui se tenait sur l’ancienne place de ce nom, devenue place Galland, avait perdu de son importance ; on y vendait toutefois pour près de 100 000 francs de fromages par an. Une caisse d’épargne florissait à côté de la société de secours mutuel.

A l’encontre de la plupart des villages picards, l’importance de Rollot n’avait cessé de décliner depuis le premier empire, sauf sous la monarchie de juillet, où le chiffre de la population s’était un peu relevé, mais la décadence s’est précipitée au cours de la seconde partie du siècle, par suite de la diminution des naissances et du départ des jeunes gens qui ne trouvaient plus de travail.

On comptait 1 220 habitants en 1806
On comptait 1 121 habitants en 1826
On comptait 1 194 habitants en 1846
On comptait 1 168 habitants en 1851
On comptait 1 002 habitants en 1866
On comptait 914 habitants en 1886
On comptait 772 habitants en 1906
On comptait 626 habitants en 1926
On comptait 607 habitants en 1936 dont 22 à la Villette, 18 à Regibaye et 5 au moulin.

On se plaignait longtemps de l’éloignement de la voie ferrée qui passait à Tricot, distant de 7 kilomètres. Ce n’est qu’au début de ce siècle que la société générale des chemins de fers économiques établit un ligne Albert - Montdidier - Rollot et la compagnie générale de voies ferrées d’intérêt local, une autre ligne de Rollot à Roye-sur-Matz et Noyon.

Deux sociétés d’arc, affiliées à la ronde de Haute Picardie, groupaient les nombreux amateurs de ce noble sport. Rollot fut le théâtre d’un concours en 1889 et du prix général et provincial en 1893. Le jeu de paume garda longtemps la faveur de la jeunesse.

Le budget communal était alimenté par 4 658 francs de ressources ordinaires et 5 253 francs de ressources extraordinaires en 1899, le service de la dette exigeait une annuité de 640 francs payable jusqu’en 1914. Chacun des 48 centimes additionnels avaient une valeur de 101 francs 58. Le bureau de bienfaisance pouvait, à la veille de la guerre, distribuer annuellement aux pauvres 1 265 francs, et la caisse des écoles disposait de 220 francs. Le budget de la fabrique se réduisait à 785 francs. La bibliothèque scolaire et populaire était riche de 331 volumes. Deux pompes avaient été acquises en cas d’incendie.

Notons encore que le cimetière, conservé autour de l’église de la Villette, fut agrandi en 1911. Deux ans plus tôt, ses deux cloches avaient pu être réparées, moyennant un forfait de 645 francs. Un enfant du pays, Jules Pillot, décidait de léguer 7 000 francs à la commune, sous la double condition, d’entretenir sa tombe et de restaurer cette église(8).

Bien d’autres dégâts que personne ne prévoyait, allaient solliciter, pendant 10 ans et plus, cette riante et prospère bourgade.

 

Invasion de 1914

Insouciante des périls extérieurs, comme des présages de son déclin, elle se réveilla brusquement au son du tocsin qui se fit entendre au soir du 1er août 1914. Les hommes que la patrie appelait à sa défense partirent sans hésitation et la lourde moisson de cette année s’acheva sur un rythme ralenti, avec l’aide des femmes et des enfants. Les premières nouvelles, trop optimistes, encourageaient à la confiance. Mais, dans les derniers jours du mois, le pitoyable cortège des évacués annonça l’invasion, fille de la défaite. Soldats anglais et français battaient en retraite. Le 276e régiment d’infanterie de réserve, rappelé d’urgence de Lorraine pour faire partie de l’armée Maunoury, destinée à couvrir Paris débarquait en gare de Tricot, le 30 août au matin, et gagnait Roye en traversant Courcelles, Boulogne-la-Grasse, Tilloloy. La nuit suivante, il reculait à son tour, sans s’être battu par Remaugies et Rollot. « sur les bas-côtés de la route, écrit un de ces soldats, jusqu’au milieu des champs, dans les meules de paille, partout des centaines, des milliers de réfugiés, hommes, femmes et enfants, dont beaucoup au maillot, endoloris, anéantis par les épreuves de leur long et désolant exode, sont étendus et dorment d’un si lourd sommeil que le bruit de notre marche et les passages de voitures et d’artillerie ne les troublent même pas.... Pénible spectacle ! »

Un lieutenant trapu, dont le menton disparaissait sous une barbe épaisse, s’approcha de son capitaine à Courcelles-Épayelles et lui montra l’état d’épuisement des hommes ; sur son observation, deux voitures furent réquisitionnées pour porter les sacs. C’était Charles Péguy, bien connu dans les milieux littéraires par ses Cahiers de la quinzaine ; il devait trouver une mort glorieuse peu de jours plus tard, le 5 septembre, au cours de la bataille de la Marne (9).

A quelques heures de marche de l’arrière garde, les troupes allemandes du général d’Emmich dévalaient vers Paris en longues colonnes grises. Dans leur hâte ils ne s’arrêtaient que le temps de réquisitionner ce qui leur manquait, sans oublier de piller les maisons abandonnées.

On revit les Français à la fin du mois, après la victoire de la Marne. Le front s’étirait chaque jour ; c’était la course à la mer. Les lignes des deux adversaires se stabilisèrent avec le mois d’octobre. Elles passaient entre Dancourt et Laucourt, à douze kilomètres au nord est de Rollot. Pendant trois ans et demi, le village connut l’existence calme et animée de l’arrière front. Les régiments qui tenaient le secteur y venaient passer une quinzaine de repos. L’intendance achetait tout ce que le sol produisait. Les commerçants n’avaient pas à se plaindre de leurs affaires. De temps à autre un avion traversait le ciel en messager de la mort.

Le « recul stratégique » des allemands au cours du mois de mars 1917 éloigna le danger sans changer beaucoup l’existence du pays.

 

Invasion de 1918

Il n’en fut pas de même en 1918. L’année de la victoire débuta mal. Les Allemands cherchaient à utiliser leurs divisions rendues disponibles par la défection de la Russie pour imposer leur paix.

Le premier objectif du grand état major de Spa fut de dissocier le front anglo-français en pesant sur sa charnière. Une ruée gigantesque d’un million d’hommes s’élança à l’assaut sur une ligne de 80 kilomètres, au matin du 21 mars 1918, après un bombardement d’enfer. En quatre jours, ils s’emparèrent de Nesle, Guiscard et Chauny. Loin de laisser nos alliés se débattre contre cet irrésistible torrent, le général Pétain avait, dès le soir même du premier jour, jeté plusieurs divisions de renfort en vue de l’endiguer. Tandis qu’Humbert cherchait à couvrir Noyon, la première armée du général Debenay arrivait en toute hâte de Lorraine et débarquait à Montdidier : les fantassins, sans attendre l’artillerie, organisaient aussitôt une position de repli entre Moreuil et Roye. Ces deux armées se trouvaient placées sous les ordres du général Fayolle, qui devait, en arrêtant l’ennemi, gagner son bâton de marécha1.

Avant que son adversaire eût réuni toutes ses troupes, Hutier parvenait à s’emparer de Roye le 26 mars et continuait à avancer. En face du danger, les gouvernements acceptaient le commandement unique de Foch. « La situation était grave, en effet, souligne un auteur, les Allemands avaient creusé une poche profonde dont l’extrémité s’étendait entre Quesnel, Mesnil Saint Georges et Rollot ».

Bloqué par les positions de Lassigny et du Mont Renaud qui résistaient à tous les assauts, Hutier chercha à tourner l’aile gauche française en marchant sur Montdidier et la voie ferrée Paris - Amiens - Calais qui maintenait seule la liaison entre les alliés. « Hier, annonçait le communiqué de Berlin du 28 mars, elles (les troupes victorieuses du prince héritier allemand) ont marché de l’avant jusqu’à Pierrepont et se sont emparées de Montdidier. Nos pertes se tiennent dans les limites normales, sur certains points importants de la ligne de bataille, elles sont plus élevées ». Et celui du 29 ajoutait : « Nous avons rejeté l’ennemi vers l’ouest et le nord ouest au delà de Warfusée Abancourt et le Plessiers hors d’anciennes positions et de villages vaillamment défendus ».

Les allemands ne devaient heureusement pas franchir la vallée de l’Avre.

Leurs assauts se continueront encore quelques jours, des contre-attaques permettront de reprendre Courtemanche, le Monchel, Mesnil-Saint-Georges et Assainvillers dans cette journée du 28. La 38e division d’infanterie du général Guyot de Salins part à son tour à l’assaut, par une belle journée ensoleillée, le samedi saint 30 mars dans la région de Boulogne-la-Grasse, qui est prise, d’Onvillers et de Rollot, où l’ennemi a poussé une pointe avancée ; la 67e division appuie son mouvement sur la gauche. Le 19e d’infanterie devait recevoir une magnifique citation en récompense de ses 10 jours ininterrompus de combat : « réduit de plus de la moitié par les pertes subies, fortement éprouvé par de dures fatigues, a retrouvé sous le feu toute sa valeur offensive et a pris une part brillante à l’attaque de la 38e division sur Rollot et Mortemer ». Pour ses Pâques, « l’ennemi est très inquiet, narre un témoin, son artillerie est active, fouille les bois, harcèle les arrières, son infanterie se montre moins entreprenante. La situation, selon l’expression en cours chez les artilleurs, s’est colmatée. L’avance allemande paraît s’être arrêtée pour l’instant ». Le général Foch pourra conclure : « Le boche est arrêté, endigué, le flot expire sur la grève ».

Hindenbourg tenta encore un coup de forcer, à la lisière du Santerre, la porte de Paris. Une nouvelle offensive, précédée d’une violente préparation d’artillerie avec obus toxiques pendant 4 heures 1/2 fut déclenchée le 9 juin sur un front de 35 kilomètres, depuis le sud de Montdidier jusque l’Oise. Le konprinz annonce le soir même : « A l’ouest de la Matz, nous nous sommes emparés des positions françaises établies près de Mortemer et d’Onvillers et nous avons avancé au delà de Cuvilly - Ricquebourg ». Mais l’armée Hutier, placée sous ses ordres, se vit arrêtée dès le lendemain en avant de Rubescourt et du Frestoy ; les troupes du général de Webern furent chassées de Courcelles, le reprirent et le reperdirent définitivement ; celles du général d’Oetinger parvinrent à défendre contre de violentes contre-attaques les lignes qu’elles avaient conquises au sud d’Assainvillers. Le 11 juin, les noirs de Mangin, chargés de protéger le chemin de fer, déclenchèrent une attaque de flanc, entre Rubescourt et Saint-Maur, qui leur permit d’approcher du Frestoy et de reprendre Méry-la-Bataille, clef de la résistance, et de Belloy, s’emparant de 1 000 prisonniers et de 19 canons. Nos troupes rejetèrent enfin l’ennemi, dans les journées du 12 et du 13, sur ses positions de départ.

Il n’y eut plus de combats dans cette région jusqu’au début du mois d’août. Les Allemands n’avaient réussi qu’à creuser entre Amiens et Beauvais une poche assez étroite qui les plaçait dans une position dangereuse. Tandis que toute l’attention des « seigneurs de la guerre » était tournée vers le Valois et le Tardenois où, pour la première fois, on se battait ; le front rompu, en rase campagne, Debeney, précédé sur sa gauche par les Anglais de Rawlinson et appuyé à droite par l’armée d’Humbert, massa ses divisions à la faveur de la nuit et les lança à l’assaut, le 8 août, vers 5 heures du matin, après un court bombardement de 45 minutes et un tir de barrage, sur un front d’environ 35 kilomètres, soutenues par la cavalerie, des chars d’assaut légers et des batteries automobiles blindées, les avions indiquaient la marche en volant très bas. La surprise fut si brusque que les officiers allemands furent cueillis sans s’être habillés. Dès le premier jour, Morisel et Moreuil tombèrent en notre pouvoir, le lendemain après-midi, Contoire, Hangest et Pierrepont-sur-Avre. Dans la nuit du 9 au 10, ce fut le tour de Faverolles et d’Assainvillers, le premier village se trouvait à l’est et le second au sud est de Montdidier, cette ville se trouvait en grande partie encerclée, les Allemands se maintinrent cependant dans ses ruines jusqu’à midi et demi environ. Au cours de la journée du 10 août, la bataille fut portée, 10 kilomètres plus loin, à Andechy, Laboissières et Fescamps. Élargissant l’action au sud est, jusqu’à la route de Saint-Just-en-Chaussée à Roye, sur un front de 20 kilomètres, l’infanterie et l’artillerie de la 3e armée (général Humbert) avait quitté ce jour même leurs abrits, à 4 heures 20, devant le Ployron et Courcelles, sans un bombardement préalable, couverts seulement par des feux mouvants de barrage, les fantassins, prenant l’ennemi de flanc, conquéraient les villages de Rollot, Orvillers-Sorel, Ressons-sur-Matz, Conchy-les-Pots, La-Neuville-sur-Ressons, Élincourt, que le communiqué du 11 se plaisait à énumérer. En trois jours, nous avions capturé plus de 8 000 prisonniers et un énorme matériel dont deux cents canons (10).

Poursuivant l’agresseur l’épée dans les reins sans lui laisser le temps de se reprendre, les troupes de France, de Grande-Bretagne, d’Amérique, d’Italie et de Belgique l’acculaient à la capitulation sur la frontière, pour éviter d’être envahi à son tour, le 11 novembre 1918.

 

Reconstruction

Placé pendant plus de quatre mois derrière la ligne de feu, Rollot avait beaucoup souffert des bombardements. Les premiers habitants qui eurent le courage de regagner ces ruines ne trouvèrent un abri que sous des tôles, dans des caves ou quelque pièce sommairement réparée. Leur premier soin fut de nettoyer cours et jardins, de recueillir le peu de récolte que la bataille avait respecté dans les champs. Les prisonniers et les travailleurs exotiques les aidèrent à remettre le terroir en état de culture en comblant les tranchées et les trous d’obus, en coupant les réseaux de barbelés, en enlevant les projectiles et les objets de toutes natures qu’abandonne une armée en déroute. De nouveaux services d’état montèrent, l’année suivante, des baraques ou des maisons semi provisoires, distribuèrent la toile goudronnée qui remplaçait les toitures et le papier huilé que l’on plaçait aux fenêtres privées de leurs vitres. Les terres remises en culture et les animaux sommairement logés, on s’attaqua à la reconstruction du bourg et de ses hameaux.

Dès 1919 une première coopérative avait été fondée. Elle se réorganisa conformément à la loi du 15 août 1920 et exécuta pour le compte de ses cent trente quatre adhérents un chiffre de travaux de près de 13 millions, y compris les bâtiments communaux, sous la direction de MM. Gras, Guiard, Leduc et Rousselot, architectes à Paris, auxquels se substitua en 1927 leurs commis, M. Terqui son conseil d’administration se composait de M. Nicolas Gérardin, maire, président, décédé en 1932 et remplacé par M. Gustave Caron, de M. Alfred Caron, puis M. Aimé Bocquet, M. Auguste Caron, M. Paul Gérardin, vice président, de M. Théophile Gaudissart, secrétaire, de M. Augustin Debourge, adjoint, puis M. Adrien Bocquet, M. Adrien Pluquet, trésorier, de MM. Ernest Lefevre, Alfred Ducrocq, Emile Delahoche, maire, Jules Cunin, Gaston Tardieux, Henri Commen, Lucien Dutriaux et Camille Maillard, tour à tour administrateurs.

L’entrepreneur Brossier mourut subitement en 1925, et, tandis que les derniers chantiers étaient achevés par MM. Perrou, Alfred Vandelli, Delignières et Hunaut, un long procès, qui alla jusqu’en cassation à la suite d’un dépassement, retarda de quatre ans la dissolution de la société ; elle fut enfin prononcée le 11 juin 1937. Cette liquidation brillamment clôturée était l’œuvre de l’Union des coopératives de l’arrondissement de Montdidier, qui avait tenu depuis le début la comptabilité.

Une coopérative de reconstruction moins importante, la « Renaissance de Rollot », constituée le 5 mars 1922, était disparue depuis le 26 juin 1931. Ses trente quatre adhérents lui avaient délégué près de 4 millions d’indemnités, chacun conservant le choix de son architecte et de son entrepreneur. Pendant toute sa durée, la société fut gérée avec beaucoup de prudence par un conseil d’administration composé de M. Oscar Bilcocq, président, M. Léon Choisy, vice président et maire, décédé en 1930, M. Wilfrid Bilcocq, secrétaire, Albert Maupin, trésorier, Casimir Detrémont, Louis Pillon et Elisée Duflos. L’Union de Montdidier assura la comptabilité et la liquidation.

Les maisons rajeunies reçurent une appréciable amélioration, grâce à l’installation en 1925 d’un réseau rural de distribution de force et de lumière par la société d’intérêt collectif agricole d’électricité de la région de Montdidier Est (11).

 

Croix de guerre

La belle attitude de la population en face des épreuves douloureuses de l’invasion en 1914 et surtout en 1918 se fit reconnaître, comme il convenait, par une citation collective à l’ordre de l’armée qui englobait vingt-et-une communes du Santerre : courageuses cités situées dans la zone de bataille, dont les habitants ont eu leurs biens saccagés et leurs demeures anéanties. Dans les épreuves et en particulier au cours des combats de 1918, ont toujours montré la plus ferme constance et le plus ardent patriotisme. Ont bien mérité du pays (12). L’arrêté signé le 30 octobre 1920 par le ministre André Lefêvre attribuait à la collectivité communale la croix de guerre avec palme. Le glorieux insigne fut remis à M. Gérardin, maire, au cours d’une émouvante cérémonie qui eut pour cadre les ruines encore amoncelées de Montdidier.

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